Le Sénégal commémore le 20e anniversaire de la mort de Léopold Sédar Senghor


Le Sénégal commémore ce lundi 20 décembre le 20e anniversaire de la mort de Léopold Sédar Senghor, poète et premier président du pays au moment de l’indépendance. Un hommage lui sera rendu au cimetière Bel-Air où il est enterré et une messe sera dite en son nom en fin de journée à la cathédrale de Dakar.

Poète et théoricien de la Négritude

Né le octobre 1906 à Joal, au Sénégal, Léopold Sédar Senghor décédait il y a exactement vingt ans, le 20 décembre 2001, à Verson, en France. Agrégé de grammaire, homme d’Etat français puis sénégalais, poète, écrivain, il fut le premier président de la République du Sénégal (1960-1980). Premier Africain à siéger à l’Académie française de 1983 jusqu’à sa mort, il est auteur d’une dizaine de recueils de poèmes et autant d’essais unanimement salués par la critique à l’époque.

Senghor part en France en 1928, après sa formation au Collège-séminaire Liberman.  Cela marque le début de « seize années d’errance », selon ses dires. Il étudie en classes préparatoires littéraires au lycée Louis-le-Grand (grâce à l’aide du député du Sénégal Blaise Diagne) et également à la faculté des lettres de l’université de Paris. À Louis-le-Grand, il côtoie Paul Guth, Henri Queffélec, Robert Verdier et Georges Pompidou, avec qui il se lie d’amitié. Il y rencontre également Aimé Césaire pour la toute première fois. Il obtient en 1931 une licence de lettres.  

À l’époque de son agrégation de grammaire en 1935, il entre en contact avec des étudiants noirs originaires d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Depuis le début du siècle, les panafricanistes afro-américains réclamaient leur émancipation dans diverses revues et à travers des mouvements tels que la Renaissance de Harlem. William E. B. DuBois, Langston Hughes, Claude McKay, Richard Wright, etc., étaient venus en France répandre leurs idées de libération. Bien que le terme « négritude » ait été forgé par Aimé Césaire, c’est Senghor qui s’en est fait le porte-parole, le théoricien et l’élément moteur.

Son aventure politique n’aura jamais d’incidence sur sa production littéraire ni sur son engouement pour la Négritude. Depuis Chants d’Ombre, son premier recueil de poésie, jusqu’au dernier volume de Libertés, l’impact de Senghor sur la culture africaine et francophone a été considérable. Tout au long de sa vie, il n’a jamais cessé de défendre avec fermeté ses convictions et ses déclarations, en répondant à toutes les objections, en réajustant et reformulant ses arguments et en précisant ses idées. Une des définitions que Senghor a donnée de la Négritude est devenue classique : « La Négritude est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir, telles qu’elles s’expriment dans la vie et les œuvres des Noirs » (1977 : 90). Cette définition a été revue et affinée à de nombreuses reprises pour signifier « rien que la volonté d’être soi-même » ou une « arme de combat pour la décolonisation » (1977 : 91).

Pour Senghor et ses amis, la Négritude est devenue un outil idéologique visant, au-delà de la quête individuelle du moi, la libération de tous les Noirs. Cette revendication atteindra son objectif le plus élevé avec l’indépendance des pays africains ou le statut de Départements et Territoires d’Outre-Mer pour certaines îles françaises.

Avec la Négritude, le Noir opprimé devient tout d’abord conscient de sa race : « Le nègre ne peut nier qu’il soit nègre ni réclamer pour lui cette abstraite humanité incolore : il est noir. Ainsi est-il acculé à l’authenticité : insulté, asservi, il se redresse, il ramasse le mot de “nègre” qu’on lui a jeté comme une pierre, il se revendique comme noir, en face du blanc, dans la fierté » (Sartre 1948 : xiv). Cette citation de Sartre épouse parfaitement le point de vue de Senghor. Il réalise qu’il est humilié, exploité, à cause de la couleur de sa peau, et cela l’amène à penser à un Éden africain précolonial, à l’Afrique des empires et des grandes civilisations. C’est pourquoi la Négritude lui apparaît dans un contexte existentiel de mémoire mythique d’un Âge d’or révolu. C’est peut-être la raison pour laquelle le genre littéraire choisi pour canaliser ces frustrations sera la poésie lyrique.

Dans sa poésie, Senghor chante avec une intense émotion l’Afrique idyllique, la beauté noire, l’harmonie de l’univers africain, les liens invisibles communs à tous les peuples qui partagent la même sensibilité noire. Il adore les dieux africains, vénère les arbres et les montagnes du Golfe de Guinée, se remémore comme source d’inspiration Marône et les autres poétesses sérères, adopte le statut du griot en exil privé de son tam-tam, balafong ou kora : « Le voilà donc, le poète d’aujourd’hui, gris par l’hiver dans une grise chambre d’hôtel. Comment ne songerait-il pas au Royaume d’enfance, à la Terre promise de l’avenir dans le néant du temps présent ? Comment ne chanterait-il pas la “Négritude debout” ? » (1990 : 156-157).

Revaloriser le Noir, sa culture et sa civilisation, revendiquer son droit à l’existence et à la liberté, réécrire son histoire déformée et volée, défendre les valeurs partagées par tous les Noirs quelle que soit leur origine : tels ont été les jalons de la lutte anticoloniale de la Négritude. Être Noir et fier d’être Noir a été en quelque sorte le slogan des membres fondateurs du mouvement de la Négritude. Comme l’écrit J. Jahn (1958 : 240) : « La Négritude a restauré la légitimité de l’appartenance à la culture africaine ».

Senghor va alors s’attacher à définir l’homme noir. Dans son poème « Prière aux masques », il situe et définit le Noir en le comparant et en l’opposant au Blanc, tout en présentant une vision totalisante de l’univers. L’Afrique et l’Europe étant reliées par un même cordon ombilical, il revient au Noir d’assurer le rythme et la sensibilité pour contrebalancer le monde géométrique du Blanc.

Fermant les yeux sur tous les méfaits de la colonisation, sur l’exploitation et l’esclavage perpétrés par le Blanc à l’encontre du Noir, Senghor déclare, avec une assurance qui ne manque pas de surprendre, que les Blancs et les Noirs sont destinés à vivre en harmonie dans un monde sans races ni classes sociales. Chacun amènerait sa contribution au pot commun, à la symbiose culturelle de l’humanité, bien unique appartenant à chacun et que l’autre ne peut imposer sans dommages.

L’humanisme de Senghor consiste à affirmer la complémentarité des cultures et des civilisations – en d’autres termes, le métissage culturel. Dans le concert du monde à venir, le Noir fait figure d’artiste mystique : « Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur » (1990 : 24). C’est là aussi l’Afrique traditionnelle de Senghor.

L’Afrique en tant que berceau de l’humanité est un sujet-clé pour le mouvement de la Négritude. Césaire se retrouve dans le mysticisme bambara de sa géographie personnelle de la même manière que Laleau éprouve de l’embarras à exprimer ses sentiments sénégalais authentiques en français, la langue que l’histoire lui a imposée.

Grammairien de formation, Senghor établit une distinction entre l’humanité, concept de la science historique, et l’humanisme, concept dont se revendiquent l’existentialisme, l’essentialisme ou le spiritualisme. Le fait que les vestiges les plus anciens de l’homme sur terre aient été localisés en Afrique orientale a conforté les tenants de la Négritude dans leur conviction que l’Afrique est la mère de l’humanité et qu’il existe une souche commune des hommes et des races. En se faisant le défenseur de thèses de ce genre, Senghor visait à retrouver l’unicité de l’humanité dans son ensemble.

Dès qu’il a commencé à fréquenter l’école, Senghor a pris conscience de la colonisation de l’homme noir sous le système de l’assimilation française. Les sciences humaines telles que l’ethnologie, la linguistique, la sociologie, la philosophie et l’étude des arts lui ont fourni des outils de base pour élaborer son propre système conceptuel. Formé à l’image de la « Civilisation », c’est-à-dire de l’Europe, Senghor a senti naître très tôt en lui les germes d’une rébellion personnelle contre la condescendance de la mentalité coloniale ; il se forge « l’idée, pas le mot, d’une civilisation noire différente mais égale » (1977 : 227). Or c’est là que réside en réalité le problème.

Le colonisé est perçu par le colonisateur comme un sous-homme, sans culture ni histoire. Le combat de Senghor consistera dès lors à conquérir un statut humain égal à celui du Blanc, condition sine qua non pour l’existence de toute civilisation. La reconnaissance ou la conscientisation de la race noire devient ainsi une étape fondamentale vers la revalorisation des valeurs civilisationnelles propres au peuple noir. L’idée d’une culture noire allait ouvrir la voie à une entité plus globale qui impliquerait chaque individu en tant qu’homme intégral.

En ce qui concerne l’Afrique, la mission de la Négritude consiste à « créer en Afrique et pour les Africains une nouvelle civilisation qui convienne à l’Afrique et aux temps nouveaux, qui soit le fruit d’une réelle culture » (1964 : 124). Concrètement, la civilisation latine et la civilisation noire s’efforceront de transcender leurs différences pour créer ensemble une civilisation afro-latine. Cette notion coïncidera plus tard avec celle de la civilisation de l’universel.

Il résulte de ce genre d’affirmations qu’en pointant du doigt la différence avec les Européens, Senghor et les autres tenants de la Négritude allaient élaborer un discours fondamentalement racial sans être raciste, sans inciter à la haine viscérale contre l’oppresseur. Sartre avait souligné ce racisme antiraciste de la Négritude dans sa préface à l’Anthologie de Senghor. Les écrivains de la Négritude cherchent ostensiblement à marquer leur différence et leur originalité tout en restant lucides. Conscient d’un excès raciste, Senghor précise : « la Négritude n’a jamais insisté sur la couleur de la peau mais sur l’ethnicité. Comme on le sait, l’ethnicité n’est pas seulement la race avec ses qualités physiques, mais davantage la culture avec ses valeurs de civilisation » (1977 : 281).

Source: Réseau d'Auteurs avec Caïm.info

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Résumé : Fin 1974, Kinshasa se prépare au « combat du siècle » entre les champions de la boxe Mohamed Ali et George Foreman. Au même moment, le jeune Modéro quitte son village dans le sud du pays pour rejoindre la capitale du Zaïre, jungle urbaine faite de coups fourrés, fêtes musicales et dragues décomplexées. J'irai danser sur la tombe de Senghor entremêle les deux fils dans un récit palpitant où l'on découvre les coulisses d'un match légendaire, les enjeux politiques à l'intérieur de l'Afrique (entre les icônes Senghor et Mobutu) et les mises financières fabuleuses. Les personnages touchants ou cyniques sont campés avec une maîtrise du roman qui nous conduit au dénouement imprévu : la victoire de Mohamed Ali devant le monde entier étonné. Et l'on apprendra pourquoi et comment cela est arrivé. Car au bout du compte, ce qui se joue là et que Blaise Ndala décrit avec finesse et humour, c'est une lutte entre la raison occidentale et l'esprit africain. Et cette fois, ce dernier gagne !

 


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