LE CLODO DU JARDIN D’AMOUR

Cet homme que voilà, là-bas, qui vient de savoir ma présence, a une apparence qui trompe.
Il raisonne bien en philo, mais il s’habille d’oripeaux pour faire croire qu’il est clodo. Or il a un parfum de haute marque qui puisse de la dilatation de son baume et de sa flagrance ressusciter les victimes de la réaction de fission d’atome d’Hiroshima et de Nagasaki.

Il a choisi une seule place dans ce jardin d’Amour à côté de ce bassin artificiel langui d’un château détruit.
Il a une mallette de pur cuir rembourrée, parce qu’elle contient sans doute plusieurs œuvres de chef-d’œuvre. Le voilà qui l’ouvre presto.
Je me contente d’être vu de lui et la seule personne à qui il dit maintenant « Salut !».
Car ce clodo a un égo qui semble n’avoir aucune notion d’alter ego.

Il a commencé à lire à la façon d’une victime de bibliophilie.
Et vous le voyez comme ça, il peut se courber sur ce livre qu’il tient dans les deux mains, parce qu’il veut le dévorer, en lui fixant sans ciller ses châsses de chat orbitant dans ses lunettes à monture de métal gris-blanc d’émail brillant.
Il lit pendant des heures sans répit puis dans un temps de répit il prend pensivement et minutieusement de petites notes dans un calepin à couverture couleur d’onyx.
Il doit aimer les arts, mais ne serait-il pas un thésard?

Autrefois, sa place sacrée était occupée par un couple d’amoureux emportés par un lutin, qui se frottaient aux jambes en faisant la gaminerie (la femelle la minauderie, le mâle l’effronterie)
Il était venu désespérément me voir sur mon territoire, et il m’avait d’une voix très polie demandé après un court « salut !» :«Puis-je m’asseoir, monsieur ?
- Volontiers !».
Il me remercia avec la gesticulation d’un chinois, mais il avait un accent typiquement gaulois.
Peut-être que quelques projets intellectuels l’avaient envoyé en France, ou même en Chine, pourquoi pas.

Assis l’un muet à côté de l’autre aussi muet, les yeux fixés sur nos deux livres muets, à brûle-pourpoint nous n’étions plus muets, mais ce fut que nos livres qui devinrent muets.
Nous avons parlé alors de nos deux livres muets, de mon livre, Zadig de Voltaire le fugueur, de son livre, Emile de Rousseaux le précepteur.

Nous avons parlé de la philosophie de la Grèce antique, de Socrate de Platon, d’Aristote d’Aristippe de Cyrène, de Diogène le Cynique de Diodore Cronos, de Hippocrate de Cos de Pythagore, de Prodicos de Sextius Empiricus, de Simplicius de Stilpon de Mégare, de Théodore l’Athée de Xénophane, de Colophon de Zénon d’Elée...
Nous avons parlé de la théologie de la philosophie arabo-islamique, d’Avicenne d’Averroès, d’Al Fârâbî d’Ibn’Arabî, d’Al Râzî de Sadra Shîrâzî...

Nous avons parlé de la philosophie brahmanique, d’Abhinavagupta de Nâgârjuna, de Candrakîrti de Vijnâna Bhiksu, de Sankara de Vallabha,
Nous avons parlé de la philosophie bouddhique, de Cheng Hao de Kongzi, de Dong Zhongshu de Shao Yng de Wang Chang...

Nous avons parlé de la philosophe médiévale, d'Austin d'Hippone de Denys l'Aréopgite, d'Avicerbon d'Alkindi, de Pierre Abélard de Pierre Lombard, de Moïse Maïmonide de Thomas d'Aquin...
Nous avons parlé de la philosophie des Lumières, de Jonh Locke de David Hume, d'Emmenuel Kant de Jean Potocki, de Guiseppe Parini d'Antonio José Cavanilles, de Nikolaï Novikov de Samuil Micu...

Nous avons parlé de vous, de vous Logos, de vous Cogito, de vous, ô bonnes gens, qui vous fiez à l’apparence qui trompe ! Car cet homme que voilà, là-bas, qui vient de savoir ma présence, a une apparence qui trompe. Il raisonne bien en philo, mais il s’habille d’oripeaux pour faire croire qu’il est clodo.

© Charles Coulibaly Nountché
© Les Neuf Muses

Portrait: http://www.cristobal.ca/

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

CHANT D’HONNEUR AU CHAMP D’HORREUR

Poésie en Côte d’Ivoire: Clôture du Festival international de la poésie d’Abidjan (Fipa) avec plusieurs récompenses

Belgique/ Marché de la Poésie : la poésie jeunesse à l'honneur