LE COMBAT AVEC LE DIABLOTIN


Enfants, virils fébriles, torses nus pieds nus, cheveux hirsutes toujours en hystérie,
On était en bonne compagnie d’amis, Noufou Deni, il était petit, Karim Gondjigui, bête cornue, Brama Dagoro, il était lippu, Sourakadeni Mahamet, de la Mauritanie, Mossideni Amadè, il était mossi,
Et l'on battait les pavés à travers les rues du village tortueuses sinueuses comme les méandres d’Orinoco .

Ce don de grégarisme, on l’avait ; cet instinct des pigeons voyageurs, on l’avait,
Car on pouvait émigrer en groupe soudé d’un lieu à un lieu, d’un recoin à un recoin du village pour jouir de nos loisirs,
D’un bosquet à un bosquet, d’une forêt à une forêt pour chasser les rats sauvages, les chats férals et les volages sylvestres aux chants perçants et suppliants,
D’un marigot à un marigot, d’une mare à une mare pour pêcher les poissons, silures, et les crabes.

Et l'on avait, ô enfant biberon, la maîtrise de la nature, et on avait la maîtrise de nos natures,
Car on pouvait se conduire avec audace et hardiesse soi-même, sans se faire accompagner par aucun dans des jeux qu’on organisait nous-mêmes,
Sans être cadeautés par aucun de ces jouets qu’on fabriquait, concessionnaires, nous-mêmes :
Cerceau, voiture en miniature pour nos compétitions de rallye Bandama, roulette, traîneau, aux roues de samara faites de nos emporte-pièces, ou faites des roulements à billes des vieux tacots.

On n'était pas comme toi, ô enfant chouchou !
Toi qui fus élevé par des nounous,
Toi qui n’as pas bu du
 lait maternel,
Toi qui as bu du lait de bétail,
Toi qui fis le kangourou dans une poche mamelle,
Toi qui n’as jamais été porté dans une poche dorsale,
Toi qu’on a fait trimbaler dans une poussette,
Toi qui avais un landau dans ta chambrette,
Toi qui avais, et qui semblait le bas d’un autel, ta chambrette garnie de poupées et de marionnettes,
Toi qui ne pouvais pas fabriquer tes propres jouets,
Toi qui as tué tes temps avec les consoles des jeux vidéo,
Toi qui as terminé tes journées avec les Stroumpfs et Pinocchio ;
On n’était pas comme toi, ô diablotin !

Veux-tu savoir que je suis plus fort que toi ?
Veux-tu te comparer à moi, ô lutin ?
Enlève tout de suite tes fringues de Prada !
Hein ? tu veux me voler taper ?
Ne t’approche pas , ô petit !
Je suis armé de ma poudre fétiche faite d’argile et de pili-pili,
Je frapperai ce ballot protubérant pour te poudrer et t’aveugler ;
Je t’ensablerai comme un lutteur sénégalais et je te terrasserai,
Je te crucifierai sur le sol bouseux, et t’enfourcherai ;
Je remplierai ta bouche de perroquet de la boue ;
Je te poserai mille questions en te morigénant de coups :
« C’est avec moi que tu fais palabre ?
« C’est avec moi que tu veux combattre ?
« Pa ! pa ! sur tes tempes !
Pa ! pa ! prends ces coups !
« Ne te lève pas, salopard !
« Aï ! aï ! tu me mords les doigts ?
« Ohi ! ohi ! laisse mes couilles ! ohi !...
« Oh ! vous ne voyez pas qu’il a attrapé mes couilles ?
« Ohi ! ohi ! aidez-moi ! aidez-moi..ô diablotin..mes couilles…

© Charles Coulibaly Nountché
© Les Neuf Muses

Peinture: Galerie Portraits Marc Haumont, artiste peintre



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