LE MONOLOGUE NOCTURNE

POÉSIE ET PROSE
LE MONOLOGUE NOCTURNE

Étendu sur mon lit, je t’attends, moins attendri, ô ma chérie !

Tous ces bruits entendus, qui fuient qui s’infiltrent filtrés dans ma chambre exigüe, est une joie qui s’abat sur moi mais qui finit : ces cornes des cabris qui effleurent la porte du gourbi où je suis engourdi, le moindre vent qui souffle et qui fait s’éclabousser ces mangues mûres sur le sol dur, les chats sont en rut, les chiens aboient wao... wao ! wao !, ce sont les maraudeurs qui vident le grenier de Mossi Lamoussa, non ce sont les fantômes qui dansent, non ce sont les revenants qui passent , car le petit Chaka vient de passer de vie à trépas...c’était hier son trépas, après avoir passé six mois sur son grabat.
Il avait le sida ? je ne sais pas ! Dis-moi s’il avait le sida, mon imprécateur mon contempteur mon dénigreur ! ? Non ! il n’avait pas le sida ! Mais il était la proie d'un sabbat !

Étendu sur mon lit, je t’attends, moins attendri, ô ma chérie !

Je passe aujourd’hui la nuit la plus blanche de ma vie !
Tout de suite je t’ai vue, tu venais chez moi, ô ma chérie !, tu étais devant le seuil de mon antre de Satyre, tu étais devant moi, tu te débarrassais de ta fourrure de mamba pour te métamorphoser en ver de terre devant moi, coi couard hagard soûl, enivré allumé de ta nudité éthérée qui préludait les préliminaires qui précèdent le labour d’Amour.
Ô foin ! je ne me retrouve qu’avec ton ombre animée et fluide, ton ombre de voyageur étranger qui traverse mon bourg la nuit, qui s’engouffre dans les ténèbres à perte de vue.

Étendu sur mon lit, je t’attends, moins attendri, ô ma chérie !

Il est minuit pétant ! Je t’avais vue à l’instant sur l’embarcadère.
Maintenant levé, amant infortuné, impatient, j’attends, ô ma naïade ! sur le débarcadère, j’épie la voile du monstre de la mer qui d’une minute à autre jettera l’ancre sur notre terre.
Et quand il aura vomi tout son contenu, je me heurterai contre toutes ces voyageuses rustres rustaudes paysannes, contre toutes ces damoiselles harassées, contre toutes ces donzelles fanées, contre toutes ces demoiselles grouillées de vermines, et, emporté par Éros, je te prendrai dans mes bras, je te presserai, ô mon orange, je t’embrasserai, ô mon ange, je te contemplerai, ô ma vierge petite Marie !

Étendu sur mon lit, je t’attends, moins attendri, ô ma chérie !

Ô mes visions sont lunatiques ! ne serais-je pas mélancolique ?
Ô quelle aposiopèse fantastique !
Ô ma prophétesse de Delphes ! rien de prévenance ne venant exorciser ma longanimité sur le promontoire drapé, dis-moi, ô Thémis ! si ma beauté viendra cette nuit, dis-le-moi, ô toi qui interprète le destin, dis-le-moi, ô ma déesse de la bonté !
Hein ? demain ? viendra-t-elle demain ? Ô demain est un an ! ô demain est un siècle ! ô demain fera un millénaire !

Je ne peux pas attendre demain !

Aucune lueur ne prédit demain, aucune lumière ne s’infiltre par le seuil dans ton alcôve, mon roi Salomon, pour t’annoncer la venue de sa Majesté la reine de Saba, aucun chant de coq l’aube, aucun cris de passereaux et de rossignols les auspices de demain !

Ô tragédie ! demain ne viendra jamais !!

Charles Coulibaly Nountché
Publié le 11 février 2014
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