LE RESCAPÉ

POÉSIE ET PROSE
LE RESCAPÉ

Jadis fut ici la bâtisse où je vécus en harmonie avec ma famille, ma femme violée déshonorée avant d’être froidement abattue,
Ma belle-sœur déflorée humiliée fusillée avant d’être jetée dans ce puits qui pue, mes mômes… mes mômes…
Mes mômes garrottés bâillonnés avant d’être rôtis sur le barbecue de leur nursery.

Jadis tout en émoi en bas de cet acacia rescapé comme moi, je faisais le centre de gravité de chez moi,
Mes enfants fébriles jouaient tout autour de moi, ma femme à la beauté fine à la mine docile était très fière de moi,
Ma belle-sœur à la blandice courue était très heureuse chez moi, car on mangeait à notre faim et on ne manquait de rien.

Jadis avant que l’ethnocratie n’ait le dessus sur la démocratie, que l’on ne se haïsse que l’on ne se maudisse,
Que l’un de nous de l’autre ne se défie que l’on ne s’épie, que l’avanie ne supplante la courtoisie que l’on ne fuie l'un et l'autre,
Que l’on ne s’entredéchire que l’on ne s’entretue, ces murs en ruine contenaient jadis les familles de certains de mes amis qui n’ont pas survécu.

Jadis je n’étais pas seul, ô Justice ! Jadis je n’avais pas cette douce folie, ce spleen, cette résignation à la vie, cette persécution qui me poursuit partout jour et nuit,
Jadis je n’étais sous aucune tutelle de psychologie de psychothérapie avant que ce génocide soit commis
Pour que les poids dans ta balance ne soient pas jusqu’aujourd’hui en équilibre, ô Justice !

© Charles Coulibaly Nountché
© Recueil: Les Sons de balafon

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